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LES ORIGINE FAMILIALES

Le grand-père paternel de Max Jacob : Samuel Alexander, fils des époux Lazarus Alexander et Jeannette Moses est né à Neunkirchen (Sarre) le 27 novembre 1811. Son acte de naissance est d’ailleurs rédigé en français puisque la Sarre fait alors partie de la Confédération du Rhin, fondée en juillet 1806 par Napoléon qui s’en est déclaré protecteur. Lazarus (né en 1741) dont les parents : Sübkind Alexandre, commerçant, et Gertraud Victor étaient originaires d’Offenbach et avait reçu du prince Louis de Nassau-Sarrebrück une lettre patente l’autorisant à s’établir à Speisen puis à Neuenkirchen comme marchand de bestiaux.

Quand cette famille, très nombreuse aux dires de Max Jacob, quitte-t-elle l’Allemagne (pour fuir vraisemblablement les persécutions qui suivront la chute de l’empire) ? plusieurs dates ont été avancées même si celle de 1825 demeure la plus probable. Samuel Alexander, le grand-père qui de toute évidence ne connaît pas exactement l’année de sa naissance (d’où des déclarations fantaisistes et variées au cours de sa vie), est parfaitement flou sur un périple qui permet tout de même de retrouver sa trace en Lorraine, à Paris, à Tours, Nantes, Lorient, puis à Quimper dès 1858. Samuel est marié à Myrthe-Léa Mayer (1818-1884) ; parmi leurs enfants deux fils Maurice et Lazare (né à Tours le 28 janvier 1847), vont le seconder dans ses entreprises commerciales.

Portrait de Max, photomaton, circa 1930.

Samuel Alexander ou Alexandre est en effet tailleur pour hommes (sur mesure ou en confection). Il adjoint à son atelier une «ferme bretonne» : antiquités et faïence ; recrute des brodeurs bretons pour «les grands habits» des notables de la région .. ou ceux des académiciens.. Les Alexandre en 1870, ont plusieurs succursales, collectionnent les prix aux expositions universelles et entretiennent une réputation d’excellence très méritée par une publicité étonnamment «moderne» : affiches, cartes postales bilingues, pleines pages dans la presse locale.

Lorsque la guerre éclate en 1870, Samuel Alexandre effrayé, en appelle au Préfet du Finistère, fait valoir sa notoriété déjà ancienne. Il est rassuré tout de suite et n’est aucunement traité en «étranger ennemi». Ses deux fils s’engagent dans les mobiles bretons.

En 1871, Lazare épouse à Paris Prudence Jacob (dit David).

En 1873, le gouvernement décerne la nationalité française à Lazare et Maurice Alexandre en remerciement de leur courageuse conduite.

La famille de Max Jacob

Mariés en 1871, Lazare et Prudence auront sept enfants :

  • 1872 : 24 juillet, Julie Delphine
  • 1874 : 10 février, Maurice 
  • 1875 : 24 mai, Gaston Jacob
  • 1876 : 12 juillet, Max Jacob
  • 1880 : 27 décembre, Jacques Jacob
  • 1884 : 24 août, Myrthe-Léa
  • 1887 : 10 juillet, Suzanne (décédée le 1er septembre 1887)

La naissance de Max Jacob

Max est né au 14 rue du Parc à Quimper, dans l’actuel immeuble du café de Bretagne mais la famille habite au 8 de la même rue (toute neuve, très élégante, très jolie avec ses marronniers).

Max a longtemps prétendu être né le 11 juillet ce qui a fait couler beaucoup d’encre ! Etourderie ? Goût très vif pour des erreurs subtilement calculées ? Tricherie astrologique ? un peu de tout cela : C’est un de ses personnages qui est son « double » ou un de ses « doubles » : Victor Matorel qui est, lui, du 11 juillet. Et Matorel c’est Max converti, en route pour la sainteté. D’où cette date du 11 sur son certificat de baptême à la chapelle Notre Dame de Sion à Paris, le 16 février 1915, acte cossigné par le parrain : « Pablo Ruiz Picasso ». Il est également possible que Max féru d’astrologie et grand amateur de tarot ait cherché à se préserver d’une « carte maléfique » pour les natifs du troisième décan… Pourtant quelques aveux échappés dans des lettres à Picasso ou à Pierre Colle, son jeune marchand et ami, futur exécuteur testamentaire, montrent bien qu’il n’est pas dupe.

Le changement de patronyme

En 1888, le 16 juillet une modification est apportée officiellement à l’état civil de la famille Alexandre à la requête de Samuel et de ses fils : un jugement du tribunal administratif de Tours ordonne que le nom Alexandre soit désormais remplacé par le patronyme Jacob. Max voit donc son second prénom se substituer à son nom de famille Alexandre.

La raison de ce changement de nom est strictement commerciale : associés à des cousins Jacob de Lorient, les Alexandre sont connus sous le nom de «messieurs Jacob».

C’est donc un petit Max Jacob et non plus Max Jacob Alexandre qui entre dans le beau lycée tout neuf qui remplace le collège municipal.

1889-1891

En 1889, Samuel Alexandre, le grand-père paternel de Max meurt. On aimerait en savoir plus sur cet homme qui aimait beaucoup Max (« celui-là il ira loin !») qui le promenait dans les rues et les bois de Quimper, et qui, pendant 13 ans n’a pas manqué d’évoquer pour lui cette mystérieuse enfance allemande, la religion ancestrale, toute une culture juive qui enrichira plus tard les œuvres mystiques du poète.

Max à cette époque, est un enfant nerveux, fragile, qui supporte mal les brutalités de ses aînés et les railleries d’une mère «parisienne», coquette, élégante, volontiers mordante. Il se sent différent et exclu. Seuls juifs de Quimper, les parents ne pratiquent plus, mais l’enfant envi ses camarades catholiques, les processions fastueuses auxquelles il ne peut participer, les cérémonies dans la cathédrale qu’il admire des fenêtres de sa chambre et qui lui demeurent officiellement fermées.. Sa santé donne assez d’inquiétude à ses parents pour qu’on l’emmène à Paris chez le célèbre neurologue Charcot en 1890-1891, une année de «vacances» qui lui réussit merveilleusement.

Une scolarité brillante

Entre sa classe de seconde et sa classe de philosophie, Max accumule les succès scolaires, devient un boulimique de lectures, se passionne pour la musique, la peinture, entretient avec ses professeurs des relations chaleureuses, maintenues par-delà le seuil du lycée (à la Bibliothèque, au Musée, et dans le salon maternel), se lie avec des amis brillants, intelligents, à la fois rivaux et complices, en particulier les frères Bolloré (Raoul et Armand) et les frères Villard (Abel et René). Ils partagent pour leur Finistère natal, Douarnenez, Quimper, une passion exaltée et romantique. Très inquiet de voir ses élèves exceptionnels diffuser des journaux à l’intérieur du Lycée, le proviseur Monsieur Lefèbvre les menace des pires sanctions.

« Donnez-moi le reflet des paysages chéris par mon enfance ardente, le reflet du très aimé pays breton …où nous avons couru pieds nus dans les champs nouvellement moissonnés, dans les fougères en forêts minuscules, les cerisiers, les pommiers sauvages ; les aubépines, les coudriers formant des îles limoneuses au milieu du torrent verdoyant. Oui, ces paysages-là, je voudrais y vivre à jamais, sans cesser de les contempler en présence des anges et des saints. Ou encore revoir la mer bleue entre les arbres au bout des champs… Cher pays où mon à cœur n’a jamais cessé de vivre depuis soixante années. »

En 1893, la rentrée s’effectue dans le deuil ; un ancien «devenu avocat de grand renom, vient de mourir» c’est Hubert Couchouren, riche propriétaire qui lègue à la ville un superbe terrain.. Naissance de l’affaire du «terrain Couchouren» qui se terminera en 1904 par l’inauguration du théâtre rêvé par les maires de Quimper et que Max Jacob ne construira pas dans son Terrain Bouchaballe !

En 1894 : Prix d’excellence, prix d’honneur. Max Jacob remporte en outre la première nomination au concours général qui ait jamais honoré le lycée. C’est un triomphe. Son nom est longuement acclamé à la distribution des prix. La famille et les professeurs rêvent pour Max d’un avenir glorieux. Il choisit l’école Coloniale.. Tout un monde de rêves..

Un avenir tout tracé

Tout un monde de rêves, d’évasions, de découvertes et de prouesses que célèbre à l’envi hebdomadaires illustrés et quotidiens : rêve impérial, maritime, colonial.. Rêve enfin très breton que partagent Max et son frère aîné Maurice et que la famille approuve.

1894-1898 : désillusions en cascades pour l’un et les autres. Réformé du service militaire pour «insuffisance pulmonaire », Max démissionne de l’école Coloniale, traîne à Quimper une vie désœuvrée. On le retrouve à Paris (où il passe avec succès des examens de droit) en 1897. Horriblement déçue (la mère surtout), la famille se désole et s’interroge.

Des explications ? Plusieurs à coup sûr et surtout le désir de vouer toute sa vie à l’art, de devenir un vrai peintre, un vrai musicien, un vrai écrivain. Tout ce qu’interdisent une petite vie provinciale et un milieu familial ambitieux, épris de succès rapides, de gloires mondaines et académiques. Et puis cette homosexualité soigneusement cachée même aux meilleurs amis : la pire des exclusions et des «différences».

Au seuil du nouveau siècle, la «rupture» avec Quimper et la famille devient flagrante. Mais il ne faut pas s’y tromper : Max reviendra sur les berges de l’Odet avec la régularité d’un fils respectueux et la fidélité amoureuse d’un quimpérois pour sa ville natale. Par ailleurs on retrouvera à plusieurs reprises dans des moments déterminants de son existence, ces départs surprenants, ces dépaysements brusquement nécessaires soudain «l’exil comme condition d’existence ».

Le départ pour Paris 1898-1910

1898-1899 : Max est devenu Léon David (c’est le nom de son grand-père maternel dont nous ne savons hélas rien !) et fait de la critique d’art : Comptes-rendus très consciencieux, un brin audacieux des expositions et des salons pour le Moniteur des Arts et la Revue des Beaux arts et des Lettres, publications éphémères..

En juin chez Ambroise Volard, Max est ébloui par la première exposition d’un jeune peintre espagnol Pablo Ruiz Picasso. Rencontre devenue légendaire et qui figure dans toutes les biographies consacrées à Picasso. On peut affirmer que non seulement Max est le premier ami français de Picasso et qu’il va offrir libéralement à Pablo toute cette culture dont il est porteur, mais que, durant vingt ans ils vivront l’un à côté de l’autre, une amitié plus solide qu’on ne veut bien le dire, et toutes les «batailles», les grandes heures d’un art nouveau dont ils se veulent les chefs de file à commencer par le cubisme. Picasso pour Max c’est le génie : celui qui a le courage de tout remettre en question quand il a exploré suffisamment une voie.

En 1903 : Une première œuvre : un conte pour enfants Histoire du Roi Kaboul et du Marmiton Gauwain (Picard et Kahn).

Dernière expérience «alimentaire» : tandis que Picasso qui partage sa chambre du boulevard Voltaire se consacre à sa peinture, Max Jacob devient employé de commerce au magasin Paris-France, une centrale d’achats dont le propriétaire est un cousin, Gustave Gompel. Son incompétence manifeste (et probablement accentuée à dessein) provoque son renvoi huit mois plus trad. La légende veut que Picasso ait décidé de sa vocation en lui disant : «tu es poète ! Vis en poète ! »

En 1904 : Picasso s’installe à Montmartre dans un immeuble vétuste que Max s’empresse d’appeler «le bateau lavoir» et qui va abriter bon nombre de pionniers de la peinture et de la poésie du nouveau siècle. Rencontre avec André Salmon sur la Butte ; Picasso présente Apollinaire à Max Jacob à l’Austin’s Fox bar, rue d’Amsterdam. Le Géant du Soleil, conte pour enfants, est publié en feuilleton dans Les lectures de la semaine.

La famille Jacob à Quimper voit avec un certain scepticisme Max arriver avec un contrat en poche. Il hante la bibliothèque municipale où il lit (ou relit) pêle-mêle J.J. Rousseau, Hoffmann, Hugo, Villon, Montaigne, Renan, About, Lemaître… IL rencontre Eugène Savigny (futur Pierre de Belay) et Pierre Allier. De juin à octobre activité intense. Il noircit des brouillons de projets de romans, de notes pour un art poétique, de jugements littéraires.

En 1907 : Pour se rapprocher de Picasso, Max loue une chambrette rue Ravignan n°7. Il surgit quotidiennement dans l’atelier du peintre : avec le jeune marchand Henry Kahnweiller, il sera le seul à ne pas frémir devant cette immense toile où Picasso se bat avec des figures monstrueuses «ma première toile d’exorcisme » dira-t-il plus tard de ce manifeste du cubisme, que le génie inventif de Max et de Salmon appellera «les demoiselles d’Avignon ».

1908-1909 : grandes heures, grandes nuits, histoires et légendes de la butte Montmartre. On en remplirait désormais des bibliothèques. Ce qu’il faut dire et redire sans craindre de l’erreur, c’est que Max Jacob connaît et côtoie tous les artistes , peintres, poètes, acteurs qui vivent à l’ombre du Sacré-Cœur (en pleine construction) souvent attirés par la personnalité de Picasso. Utrillo, Suzanne Valadon, André Salmon, Pierre Mac Orlan, Modigliani, Van Dongen, Juan Gris, Marcoussis, Jacques Villon, Otto Freundlich, Hayden, Henri Laurens ; ou ceux qui « montent » vers le Lapin Agile ou le « quai des Brumes » pour confronter leurs œuvres, leurs théories, et leurs espoirs ; Vlaminck et Derain, Braque , Friesch, Duffy, Apollinaire et Marie Laurencin, Jules Romain, Georges Duha mel, et le groupe de l’Abbaye, Dullin, Marcel Olin, Harry Baur, Paul Fort, Carco, Dorgelès, André Warnod, le « bon » douanier Rousseau… Fabuleuses et effervescentes souvent orageuses camaraderies, des vies désargentées, parfois tragiques, des nuits éblouissantes dont Max est l’animateur incontesté ; l’enchanteur serait beaucoup plus juste, car il magnifie les lieux et les gens, vrai festival de pastiches, d’improvisations époustouflantes, jouant mille rôles à lui seul. Mais c’est parfois dur de passer pour un pitre, un clown même génial (il pose pour le « fou » de Picasso) quand on se veut essentiellement créateur et chef de file des tendances les plus novatrices.

La vision du christ 1909-1918

1909-1912 : septembre( ?) 1909 « Il y avait sur mon mur un Hôte ! » Max Jacob a donné plusieurs dates au sujet de cette « vision christique », cette « image sacrée » qui lui apparaît sur son mur. Son entourage ironise, parle de vapeurs d’éther ; un prêtre refuse de prendre au sérieux pareille histoire ; or la « conversion » du poète est parfaitement sincère et définitive. Elle est certainement préparée par des lectures encyclopédiques à la Nationale- sous l’œil curieux de G. Apollinaire : grands textes philosophiques , ésotériques voire astrologiques, découvertes passionnées de la Kabbale qui va marquer à tout jamais le poète : «résurgences judaïques, foi ritualiste et mystique» (Michel Manoll). Cosmogonies poétiques, illuminations superbes et mystérieuses qui déterminent enfin Max Jacob à écrire.. et publier. Et voici qu’Henry Kahnweiler qui rêve d’unir ses peintres et ses poètes dans des éditions de luxe lui demande des textes.. dès avril 1910, Max est à Quimper. Entre 1910 et 1912 il y résidera la moitié de son temps.

1910 : Tandis que les « bizarreries cubiques «  de ses amis peintres commencent à intriguer fortement la critique. Max Jacob dans sa ville natale vit dans «un nuage de feu» ; une extraordinaire frénésie de travail ; romans, nouvelles, théâtre, poèmes tous les textes qui paraîtront entre 1918 et 1923. A la Bibliothèque municipale il dévore pêle–mêle Ovide, Luzel, La Villemarqué, Musset, le Faust de Goethe, avec son jeune ami Pierre Allier, il s’amuse à écrire une revue Quimper-Cancans pour le théâtre cirque Bénévent (famille de Noël Roquevert) ; Banc d’essai pour soin terrain boucheballe- satire municipale suffisamment violente pour que Bénévent y renonce.

1911 : chez Kahnweiler Saint Matorel illustration de Pablo Picasso, La Côte recueil (bilingue) de chants celtiques.
La frénésie de lecture ne diminue guère. Quand Jacob n’est pas à la bibliothèque municipale (octobre et décembre) pour consulter Lamartine, Renan, Suétone, Shakespeare, ses chères Mille et une Nuits et ces livres d’histoires anecdotiques dont il raffole, on le trouve (en novembre du 17 au 30) aux archives départementales du Finistère, penché sur des dossiers d’une extrême diversité.
A Paris la retentissante affaire du vol de la Joconde au Louvre crée maints ennuis à Picasso et surtout à Apollinaire.

1912 : ŒUVRES BURLESQUES ET MYSTIQUES DU FRERE MATOREL, illustrations de Derain chez Kahnweiler. Vacances studieuses et familiales toujours à Quimper. A la Bibliothèque, Max réclame Luzel, Pascal, Saint Jérôme. Elisée Reclus ; il peaufine le manuscrit de son roman LE TERRAIN BOUCHABALLE très librement inspiré de querelles quimpéroises et consulte Picasso sur le choix définitif du titre.

1913 : Apollinaire publie LES PEINTRES CUBISTES et ALCOOLS . Il l’adresse à Picasso qui est en vacances (avril) à Céret (Pyrénées Orientales) avec Max Jacob, Braque, et Juan Gris. A Figueiras en Espagne les danseurs de Sardane éblouissent Max Jacob qui fera figurer un superbe poème Honneur de la sardane et de la tenora dédié à Picasso dans son LABORATOIRE CENTRAL(1921).

A Paris, Jacob quitte la rue Ravignan pour le 17 rue Gabrielle (75018).

1914 : LE SIEGE DE JERUSALEM, « grand drame céleste ». Troisième volet de la trilogie de SAINT MATOREL, illustration de Picasso chez Kahnweiler.

3 août : la guerre est déclarée, Jacob, réformé, reste à Paris avec les ressortissants des nations non-belligérantes comme les Espagnols. Il entretient avec tous ses amis mobilisés une importante correspondance.

1915 : 18 février, baptême de Cyprien-Max Jacob au couvent de Sion. Le parrain Picasso, lui offre une Imitation de Jésus Christ (coll. Musée d’Orléans)

1916 : LES ALLIES SONT EN ARMENIE , poème hors-commerce dédié par Jacob à son ami Joseph Altounian.

Renaissance artistique et intellectuelle en dépit de la guerre. Des artistes du monde entier se retrouvent à Montparnasse.

Blessé le 17 mars, Apollinaire est évacué du front ; Pierre Reverdy publie LA LUCARNE OVALE, Pierre-Albert Birot fonde la revue SIC ; naissance de Dada à Zurich au Cabinet Voltaire. Jean Cocteau est «le prince charmant et frivole» dans toutes ces fêtes d’art et ces manifestations d’avant garde qui se multiplient. Il va décider Picasso à dessiner les costumes et les décors du ballet PARADE (musique d’Eric Satie)

1917 : janvier : mort de Lazare Jacob, père du poète

Max Jacob noue des relations étroites avec les princes Ghika (la princesse et l’ex reine de beauté Liane de Pougy) et commence une correspondance importante avec le couturier mécène et collectionneur Jacques Doucet.

Mai : scandale du ballet Parade commandé par Serge Diaghilev à Cocteau

Juin : nouveau scandale ! les mamelles de Tirésias drame surréaliste de G. Apollinaire, première apparition d’un adjectif dont on connaît la fortune.

Novembre LE CORNET A DES, poèmes en prose, chez l’auteur. Probablement et à jamais le recueil le plus célèbre de Max Jacob précédé de la fameuse préface, véritable art poétique.

1918-1928 de la guerre à Saint-Benoît-sur-Loire

1918 : année décisive, anné-tournant. La guerre fait rage encore, mais on parle de paix…

2 mai : Apollinaire épouse Jacqueline KOLB
parution de CALLIGRAMMES

12 juillet : Picasso épouse Olga Koklova, ex-danseuse des ballets russes à l’église orthodoxe de la rue Daru. Max Jacob est bien entendu l’indispensable témoin : comme il va être le premier le 13 novembre derrière le cercueil d’Apollinaire mort le 9.Il se trouve désormais littéralement « chef d’école » au seuil d’un monde nouveau.

LE PHANÉROGAME, roman, chez l’auteur.

1919 : LA DÉFENSE DE TARTUFFE Société Littéraire de France

L’opéra donne le tricorne de De Falla dans les décors de Picasso. Une voiture renverse Max Jacob qui se rendait au spectacle. Hospitalisé à Lariboisière, il y contracte une pneumonie. Cocteau, Picasso, Chanel, Misia Sert, les Ghika, Marie Laurencin se relaient à son chevet.

1920 : année du Bœuf sur le toit et des rythmes américains. Max présente Raymond Radiguet à Jean Cocteau. Très lié avec les musiciens du groupe des Six (Francis Poulenc, Germaine Taillefer, Louis Durey, Darius Milhaud, Arthur Honneger, Georges Auric) avec la grande pianiste Marcel Meyer (belle-soeur du peintre Survage) et surtout avec son mari le comédien Pierre Bertin, Max Jacob élabore quantité de projets de pièces, d’opéras, d’opéras-bouffe.

Avril 1920 : publication de CINEMATOMA, fragments de mémoires des autres, éditions de la Sirène.

1921 : Aragon publie ANICET OU LE PANORAMA brillante fiction où Max Jacob, «l’homme pauvre» apparaît comme le gourou, le «maître de poésie» d’une jeune génération qui pourtant dans les années qui vont suivre cherchera violemment la rupture et une émancipation totale.Max Jacob publie :

  • LE DOS D’ARLEQUIN, fantaisie dramatique chez Kra
  • LE LABORATOIRE CENTRAL poèmes au Sans Pareil
  • LE ROI DE BEOTIE, nouvelle (NRF)
  • NE COUPEZ PAS MADEMOISELLE OU LES ERREURS DES PTT, illustration de Juan Gris, éd. de la Galerie Simon

mais on le trouve dès le mois de juin installé dans la retraite campagnarde de Saint- Benoît- sur- Loire à l’ombre de la merveilleuse basilique de Notre- Dame- de- Fleury. C’est un ami, l’abbé François Weill, qui à son instante requête, lui a conseillé ce refuge où il pourra mener suivant son désir, une vie conforme à sa foi. Il est l’hôte de l’abbé Albert Fleureau qui sera jusqu’à sa mort son directeur de conscience. Il loge au monastère alors désaffecté (la communauté bénédictine n’est revenue à Saint- Benoît qu’en 1946).

Nouveau «nuage de feu», nouvel «élan créateur», euphorie d’un équilibre d’une paix retrouvée qui transparaît à travers la prodigieuse correspondance qui tisse entre Max et ses anciens amis : Kahnweiler, Cocteau, Picasso, Kisling, Salmon, ou les nouveaux venus, Roland Manuel, Michel Leiris, Armand Salacrou, Marcel Jouhandeau, Rimbert, Lascaux, René Mendès France.. des liens chaleureux, nuancés pour chacun et constitue un merveilleux journal quotidien de la vie du «pénitent» Max.1922 : 

  • ART POETIQUE Emile Paul
  • LE CABINET NOIR lettres avec commentaires (bibliothèque des Marges)
  • ISABELLE ET PANTALON, livret d’opéra bouffe, musique de Roland Manuel joué au Trianon Lyrique

1923 :

  • LE CORNET A DES édition complète revue et corrigée
  • LE TERRAIN BOUCHABALLE roman en deux volumes chez Emile Paul
  • FILIBUTH OU LA MONTRE EN OR- roman- NRF
  • LA COURONNE DE VULCAIN conte breton, illustration de Suzanne Roger, éditions de la galerie Simon.

Novembre : hommage à Max Jacob par la revue belge LE DISQUE VERT qui publie sur le poète un très important numéro.

Décembre : mort de Raymond Radiguet. Cocteau est à terre.

1924 :

  • VISIONS INFERNALES poèmes en prose – NRF
  • L’HOMME DE CHAIR ET L’HOMME DE REFLET- Roman Kra

Entre 1925 et 1928 Jacob publie :

1925 : LES PENITENTS EN MAILLOTS ROSES- poème éd. Kra

1927 : LE FOND DE L’EAU (les Cahiers Libre)

Mais il faudrait ajouter à cette production les milliers de lettres de sa correspondance et les méditations quotidiennes qu’il s’impose aux premières heures du jour. Sa vie rythmée par les pratiques religieuses et des contacts amicaux avec toute la population de Saint- Benoît- sur- Loire est souvent chaleureusement troublée par une visite : Bertin, Lascaux, Dubuffet, Nino Franck, André Malraux, André Salmon…

En 1925, à l’occasion du Jubilé : grand voyage en Italie où il retrouve son ami Jean Grenier.

En 1926 : voyage à Madrid et à Tolède pour des conférences où le poète se révèle éblouissant. Il demeure fidèle à son Finistère natal. Pierre Allier et Julien Lanöé lui suggère un retour à une poésie «à la bretonne» qui va donner MORVEN LE GAELIQUE salué par Saint Pol-Roux.

Jean Grenier le présente à Saint Brieuc à Louis Guilloux en qui Max salue le «vrai»  romancier, lui qu’il ne peut pas être.. Il se lie très intimement à Ploaré avec Jean Colle, peintre esthète, hôte généreux, chez qui le ramènent les congés de l’été.

En 1928 Max quitte Saint – Benoît- sur- Loire un peu lassé de cette retraite. Il s’installe à Paris à l’Ermitage du Régent rue Daubenton puis à l’Hotel Nollet, rue Nollet à Paris (75017) où il demeurera six ans dans une sorte de phalanstère de jeunes musiciens.

Le séjour à Paris avant la retraite définitive

1928-1936 : tout en espérant vivre de sa peinture (dont s’occupe Pierre Colle et Jacques Bonjean) Max retrouve avec délices une effervescence créatrice dont Henri Sauguet a parlé mieux que quiconque en soulignant «la démarche musicienne du poète», sa prodigieuse culture en ce domaine et en évoquant des témoignages précieux, ces journées où Max Jacob, très semblable en cela à son cher Offenbach, compose, peint, écrit, reçoit dans un va-et-vient continuel. Autour de lui et d’Henri Sauguet : Albert Messian, Alain Danielou, Christian Dior, Christian Bérard, tous les jeunes poètes qui recréent rue Nollet « le grand central poétique » de la rue Gabrielle.
Pour Henri Sauguet, Max écrit UN AMOUR DE TITIEN, opérette inspirée en cinq actes.

1929 LE TABLEAU DE LA BOURGEOISIE N.R.F.
L’HOMME DE CHAIR ET DE REFLET –roman Kra

23 août 1929 grave accident de voiture en Bretagne avec Pierre Colle. D’où un long séjour dans sa famille. Durant l’été 1930 Max rejoint ses amis à Bénodet et surtout à l’Hôtel Ty Mad de Tréboul où il travaille en compagnie du jeune peintre anglais Christopher Wood dont la mort tragique le désespère.

Il publie SACRIFICE IMPERIAL poèmes chez Emile Paul

1931 : RIVAGES poèmes éditions des Cahiers Libres

1932 : BOURGEOIS DE FRANCE ET D’AILLEURS – N.R.F.

Max Jacob et Valminck

1936 : MORCEAUX CHOISIS préface de Paul Petit- N.R.F.

Le 25 mai 1936 on le retrouve à Saint- Benoît- sur- Loire qui va devenir son ultime résidence.

Bien des explications à ce retour, bien de désillusions aussi : des problèmes d’argent.. une relation amoureuse désespérée avec René Dulsou qui s’achève dans le drame… Max loge d’abord très inconfortablement à l’Hôtel Robert, plus tard, une veuve, Mme Persillard, lui louera deux belles chambres sur la place du Martroi. Il renoue sans peine avec l’abbé Fleureau, ses vieux amis artisans, paysans ou propriétaires ; l’abbé Léopold Hatton vicaire va devenir son commensal attentif.

Saint- Benoît c’est la basilique dont il va se faire le Cicérone «érudit», les méditations, les lettres à écrire ou à recevoir, la joie de dénicher de jeunes talents , le peintre Roger Toulouse, les poètes Michel Manoll, Marcel Béalu, Jean Bouhier, Jean Rousselot, René-Guy Cadou, de se créer de nouvelles et ferventes amitiés, les docteurs Szigeti et Durand, Marcel Métivier, jeune instituteur…

1937 : 9 novembre appelé à Quimper, Max assiste aux derniers moments de sa mère, la seule femme qui ait vraiment compté pour lui, pour qui il tirait sa fierté de la Légion d’Honneur (1933) de ses succès littéraires, de ses triomphes de conférencier.

Est-ce cette mort qui le bouleverse au point de «rater» complètement une conférence sur Guillaume Apollinaire ? retour humilié à Saint- Benoît- sur- Loire.

Il publie BALLADES – poèmes aux éditions Debresse qui en raison de la guerre à venir et les censures de la « liste Otto » en feront son dernier ouvrage paru de son vivant.

1939-1944 : la guerre, l’occupation allemande du pénitent au matricule 15 872

1939-1942 : La guerre. Max Jacob rédige son testament et fait de Pierre Colle son exécuteur testamentaire. Il s’applique à retrouver tous ses livres pour un « fonds » Max Jacob à la Bibliothèque de Quimper. Il souhaite avoir sa tombe à Saint- Benoît- sur- Loire.

A Edmond Jabès il écrit « Je suis hors du monde, je ne puis subir que le martyre » 1er mai 1939

« grande offensive allemande victorieuse.. »

Max refuse de quitter Saint- Benoît- sur- Loire ; il tient un « journal de guerre » dont certains passages lui inspireront le magnifique Reportage de Juin 40 qui paraîtra dans DERNIERS POEMES EN VERS ET EN PROSE (N.R.F.1961)

Avril 1942 dernier voyage à Quimper pour les obsèques de sa sœur Julie-Delphine morte brutalement. Il aimait retrouver là-bas des amis très fidèles ; dans le salon du Docteur Tuset, il rencontrait Saint Pol-Roux, Giovanni Léonardi, Louis-Ferdinand Céline et Jean Moulin sous-préfet de Châteaulin (dont « Max » devait être l’un des premiers pseudonymes). Avec Jean Caveng qui n’osait pas lui avouer sa passion pour la peinture, il allait revoir des lieux qu’il vénérait : la baie de Douarnenez, Locronan..

Max rentre précipitamment à Saint- Benoît. Désormais, les ordonnances relatives au contrôle des juifs du gouvernement de Vichy, la saisie de leurs biens, le port obligatoire de l’étoile jaune (juin 1942) vont inciter le poète à ne plus quitter son village où il se sent connu, aimé, protégé en dépit du harcèlement des miliciens, des gendarmes et de la Gestapo.

Décembre 1942 arrestation à Quimper de son frère aîné Gaston qui est déporté à Auschwitz le 16 février 1943.

1943 Max Jacob refuse toutes les offres -nombreuses- d’amis qui cherchent à le cacher, à le faire passer en zone libre, à lui procurer de faux papiers. Bien au contraire, dès octobre 1940, il a revendiqué fièrement son statut de citoyen français «né de parents et de grands-parents juifs». Son énorme correspondance le montre partagé entre la colère et le désespoir. Il travaille toujours intensément : lettres, peintures, poèmes.

Janvier 1944 : sa plus jeune sœur Myrté-Léa est arrêtée à Paris et déportée à Drancy. Max remue ciel et terre pour la sauver, en vain.

20 février en visite à la Basilique de Saint- Benoît avec Marcel Béalu, son épouse et l’Abbé Hatton il signe pour la première fois le livre d’or «MAX JACOB 1921-1944»

24 février : il assiste à la messe célébrée par l’abbé Hatton à la chapelle de l’hospice (actuelle mairie de Saint – Benoît- sur-Loire), croise le docteur Durand retrouve chez lui son ami le docteur Castelbon qui veut l’emmener à Montargis.

La Gestapo l’arrête en fin de matinée et le conduit à la prison d’Orléans où il va demeurer quatre jours dans des conditions épouvantables. Il se dévoue sans compter et réussit à distraire ses malheureux compagnons en chantant tout son répertoire d’opérettes et d’opéra-bouffe:  les armes de la dérision…

28 février : dans le train qui l’emmène à Drancy, il écrit plusieurs petites lettres en forme de S.O.S., notamment à Jean Cocteau. A son arrivée à Drancy il ne peut que constater que Myrté-Léa n’est pas là (elle a déjà été déportée à Auschwitz et gazée dès son arrivée). Max est déporté à Drancy sous le n° 15872.

Quand est-il admis à l’infirmerie ? nous ne le savons pas malgré des témoignages nombreux mais forcément fragmentaires : Pierre Andreu en cite dans son dernier chapitre, notamment celui du Docteur Dreyfus, chargé des infirmeries de Drancy. Par ailleurs, en 1993 le docteur Raymond Weill qui était médecin chef interné, m’adressait une lettre pathétique sur les derniers instants de Max Jacob, décédé dans la nuit du 5 au 6 mars 1944.

6 mars : prévenus par Roger Toulouse et Marcel Béalu, les amis de Paris font l’impossible. Jean Cocteau rédige un texte superbe à l’attention d’Otto Abetz : contrairement à une tradition malveillante Picasso se précipite chez un haut fonctionnaire de l’Hôtel de Ville : Georges Prade qui lui déconseille vivement toute démarche (Picasso est horriblement «mal vu» des autorités franquistes et allemandes).

7 mars : le convoi dont Max Jacob devait faire partie (n°69) part pour Auschwitz.
Max Jacob est inhumé en fosse commune au cimetière d’Ivry.

Son corps est transféré à Saint Benoît sur Loire le 5 mars 1949 ; à l’issue des obsèques solennelles, il est enterré au petit cimetière de la commune selon ses vœux.

50eme anniversaire de la mort de Max Jacob, messe solennelle

17 novembre 1960 : Le poète est officiellement inscrit au rang des poètes mort pour la France en vertu de l’ordonnance de Monsieur le Ministre des Anciens Combattants.

Les célébrations et manifestations pour le 50ème anniversaire de l’arrestation et de la mort de Max Jacob figurent parmi les Commémorations Nationales.


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Rédigé par Hélène HENRY

Article Original : www.max-jacob.com